information n°040Compte Rendu de la réunion annuelle 2013 du réseau 'RAT-Sahel'

Tenue du 13 au 15 novembre 2013, à l’Université Gaston Berger, Saint Louis, Sénégal

Auteur: G.Dobigny, nov. 2013

 

La dernière édition des réunions annuelles du réseau « RAT-Sahel », soutenu par une Action Thématique Structurante (ATS) du Service de Renforcement des Capacités (SRC) de l’IRD, s’est tenue à Saint Louis du Sénégal du mercredi 13 au vendredi 15 novembre 2013. En guise de clôture de l’ATS, nous avons tenu à organiser un événement conjoint avec plusieurs de nos collègues entomologistes de la Jeune Equipe Associée Internationale « Bruches ravageurs des stocks » (BRAS, 2010-2012) afin de matérialiser une fois de plus le rapprochement entre les biologistes des populations des deux groupes, tel que l’avait encouragé le SRC lors de la création de RAT-Sahel. Enfin, et toujours suivant le parfait respect des objectifs spécifiés à l’initiation du réseau, nous avons également invité l’ensemble des partenaires du projet de Laboratoire Mixte International « Invasions Biologiques au Sahel » (IBIS) dont la demande de création vient d’être déposée auprès de l’IRD (cf. plus bas).

 

Ainsi, 29 participants (dont 4 doctorants, 1 VIA, 7 ITA et 17 chercheurs ou enseignant-chercheurs) ont assisté aux présentations orales (cf. résumé et programme détaillé ci-dessous) et aux discussions associées, représentant 3 institutions sénégalaises (Institut Sénégalais de Recherche Agricole, Université Gaston Berger de Saint Louis et Université Cheikh Anta Diop de Dakar), 2 institutions nigériennes (Université Abdou Moumouni de Niamey et Direction Générale de la Protection des Végétaux), 1 institution sous régionale (Centre Régional Agrhymet, émanation basée à Niamey du Comité Inter-Etat de Lutte contre la Sécheresse dans le Sahel) et 2 institutions françaises (IRD : UMR022 Centre de Biologie pour la Gestion des Populations et UMR151 Laboratoire Populations Environnement Développement ; et Cirad : UPR Systèmes de cultures annuels). A l’ensemble de ces personnels se sont ajoutés Frédérique Reigney (IRD) et Mouhamadou Diakhaté (UGB), venus représenter le PPR SREC qui avait accepté de cofinancer l’événement dans le cadre d’une aide accordée pour conduire une réflexion prospective au sein du pilier « Programme de recherche ».

Comme chacune des années précédentes, l’ATS RAT-Sahel a permis de financer la venue et le séjour de ses membres venus du Sénégal et du Niger, tandis que la prise en charge des autres participants et du reste des frais inhérents à l’organisation de la réunion a été assurée par le CBGP et le PPR SREC. Enfin, l’organisation a grandement bénéficié de l’accueil réservé par l’Université Gaston Berger de Saint Louis qui a mis à notre disposition un bus pour les déplacements quotidiens et les transferts des participants entre Dakar et Saint Louis ainsi qu’une salle et le matériel de conférence nécessaire.

Le programme des présentations a été élargi cette année aux interventions de nos nouveaux partenaires dans le cadre du projet de LMI (UGB, ISRA et UCAD). Ainsi, nous avons pu découvrir et discuter des résultats obtenus à partir de modèles « rongeurs » et « insectes » via des approches communes de biologie des populations et des communautés. Les sessions scientifiques ont consisté en cinq demi-journées, chacune modérée par un chercheur de l’UGB (2), de l’UAM (1) ou du CBGP (2). L’intérêt qu’elles ont suscité s’est concrétisé par des débats riches et souvent continués bien au-delà du simple cadre de la salle de réunion. La présence de presque tous les membres du réseau RAT-Sahel, de la JEAI BRAS et, plus généralement, du futur LMI IBIS, a été saluée.

 

Ainsi, après un rapide tour de table permettant à chacun des participants de se présenter, Monsieur le Recteur de l’UGB a ouvert la séance en insistant sur l’intérêt que portait l’Université de Saint Louis à toutes les actions de recherche et de formation menées en collaboration avec l’UGB. Le symposium a ensuite démarré par une introduction rapide rappelant notamment l’historique entre les rodentologues de l’IRD et l’UGB, et soulignant la participation d’un nombre croissant d’institutions ouest africaines aux réunions RAT-Sahel.

Puis une série de cinq présentations assurées par les entomologistes du Sénégal et du Niger a permis de présenter (i) un état des lieux des connaissances acquises et des perspectives de recherche ouvertes par la JEAI BRAS sur les bruches ravageurs des cultures et des stocks dans la région sahélienne, (ii) le projet RECOR récemment entamé (financement PPAO, 2013-2015) et qui vise à comprendre l’impact du paysage et des usages sur l’écologie des insectes ravageurs du bassin arachidier sénégalais, (iii) un projet de lutte biologique contre la mineuse de l’épi de mil au Niger dont la mise en œuvre s’est avérée être un succès mais pose désormais de nouvelles questions pour être optimisé, (iv) un bilan des offres de formations académiques et professionnelles en agro-écologie au Sénégal, et (v) un projet en cours portant sur le suivi de Tuta absoluta, ravageur majeur des cultures maraîchères en cours d’invasion en Afrique de l’ouest.

Plusieurs exposés ont permis de faire ensuite le point des actions de recherche menées au Sénégal, au Niger au Gabon et à Madagascar, sur les relations entre les rongeurs et leurs parasites, dont plusieurs sont pathogènes pour l’homme (ex. agents de la peste, de la borréliose, de bartonelloses, de la toxoplasmose, etc). Ces programmes s’intéressent notamment au rôle du parasitisme dans le succès de certaines invasions biologiques (ex. ANR ENEMI au Sénégal), ainsi qu’aux facteurs biotiques, abiotiques, socio-historiques et paysagers pouvant expliquer le rôle des communautés de rongeurs et de leur dynamique spatio-temporelle dans la circulation de ces agents zoonotiques (ex. programmes sur la peste à Madagascar, ANR CHANCIRA au Sénégal, thèse en cours au Gabon, et projets « Niamey » et « Gamkalleye » menés au Niger). Ces présentations ont été l’occasion de souligner l’importance de travailler sur des protocoles d’échantillonnage dûment réfléchis, des données exploitées au maximum (ex. analyse probabiliste des données de présence/absence) ainsi que de s’appuyer sur des identifications taxonomiques rigoureuses et non ambiguës, tant pour les hôtes que pour leurs parasites, via l’utilisation conjointe d’approches morphologiques et moléculaires.

Ces derniers aspects ont d’ailleurs été illustrés par les derniers résultats de systématique intégrative obtenus au Sénégal sur les gerbilles d’Afrique et d’Asie, et dont la diversité spécifique est longtemps restée mal connue à cause de la coexistence de nombreuses espèces jumelles. L’une d’entre elles, Gerbillus nigeriae, est un nuisible important des cultures céréalières pluviales dans le Sahel, et a fait l’objet de plusieurs exposés concernant sa plasticité génomique, sa capacité d’adaptation aux changements climatiques et son potentiel d’invasion (projets « CERISE », « OHM Tessékéré » et « gerbilles du Niger »).

L’ensemble de ces présentations a permis de mettre en exergue les nombreuses approches de terrain conceptuelles et méthodologiques (ex. morphométrie, phylogénie et phylogéographie, génétique des populations, cytogénomique, écologie des communautés, modélisation, télédétection et géostatistiques, etc) que notre communauté utilise, souvent de façon intégrée, pour comprendre divers aspects de la biologie des populations d’organismes nuisibles à l’agriculture ou la santé humaine dans le Sahel. Un accent croissant est mis sur les invasions biologiques (ex. rat noir, souris domestique, noctuelle, mineuse de la tomate, etc) dans cette région considérée comme l’une des plus sensibles aux conséquences des changements anthropiques et/ou climatiques. Il est également à noter que les activités de recherche menées dans nos différentes institutions s’appuient sur des collections, des bases de données et des centres d’information en ligne (ex. plateforme SimMasto) qui ont fait, eux aussi, l’objet de deux exposés.

 

Enfin, parce que l’édition 2013 des journées « RAT-Sahel » jouait le double rôle d’événement de clôture de l’ATS et de lancement anticipé du LMI « IBIS » (sous réserve de création), nous avons tenu à inclure plusieurs interventions d’ordre institutionnel. Celles-ci avaient pour objectif d’effectuer un bilan des 4 années d’existence de RAT-Sahel, de présenter les programmes de recherche (ex. ISRA, UCAD et Cirad) et de formation (ex. CRA, UGB) de nos nouveaux partenaires dans le cadre du futur LMI qui pourrait nous réunir dès l’an prochain, si sa création est acceptée (dossier déposé en septembre 2013). Le cycle des exposés s’est d’ailleurs terminé par une présentation rappelant brièvement les motivations et les objectifs du projet IBIS, avant de laisser la place à une discussion libre sur les actions collectives à mener afin de perpétuer voire renforcer nos activités de recherche et de formation. Ainsi, que le LMI soit acté ou non, il a été décidé de réfléchir à la création de différents outils de communication interne. Ceci permettrait de partager de nombreuses informations concernant les appels à projets et autres sources de financements potentielles, les offres de stage ou de poste, le calendrier des soutenances de mémoires et de thèses, l’arrivée de nouveaux étudiants ou collègues dans nos laboratoires respectifs, les nouvelles productions scientifiques, pédagogiques ou vulgarisées et le planning des missions de terrain afin de mutualiser au mieux les collectes d’échantillons. Pour cela, une liste de diffusion internet sera créée pour faciliter la circulation de l’information dans des délais adéquats (ex. deadline d’appels à projet) ou pour permettre l’échange de documentation (ex. articles scientifiques, rapports, etc). En revanche, les questions liées au fonctionnement administratif (ex. conseil scientifique) et financier (ex. ventilation des dépenses) du partenariat, ainsi qu’à la création d’un site web dédié aux activités du groupe et animé par un technicien du Sud ne seront abordées que si le LMI est effectivement créé.

                                                                                   

Pour résumer, la réunion de Saint Louis a démontré le succès de notre réseau Rat-Sahel qui, en quatre années d’existence, a amplement contribué à renforcer les collaborations sud-sud-nord au sein de notre communauté. Elle a démontré la concrétisation croissante d’un réel transfert de compétences (ex. deux nouveaux projets de génétique des populations de gerbilles portés par de jeunes chercheurs sénégalais et nigériens)

Elle a également concrétisé notre rapprochement avec les entomologistes de l’ex-JEAI « BRAS », tout en formalisant pour la première fois nos relations avec de nouveaux partenaires (UGB, Cirad). Tous ensembles, nous sommes plus que jamais motivés pour faire vivre une communauté élargie dédiée à la recherche et la formation par la recherche dans le domaine de la biologie des populations (insectes et rongeurs nuisibles essentiellement) en général, et celui de la biologie des invasions en particulier.